Derrière les étoiles
L’exposition Derrière les étoiles explore les techniques, les récits et les images qui ont façonné le regard que nous portons sur l’espace. Longtemps perçu comme un lieu de mythes, de religion et de légendes, notre compréhension du cosmos a radicalement changé au cours du 20ème siècle, sous l’impulsion d’une conquête spatiale dont les fusées et les satellites furent les véhicules. Du premier pas sur la Lune à l’essor du tourisme spatial, il n’aura fallu que quelques décennies à l’espace pour devenir le nouveau terrain de réalités bien terrestres.
Mêlant imaginaires artistiques, imagerie techno-scientifique et culture populaire, Derrière les étoiles met à jour la relativité de notre système cosmologique. Travaillant avec l’espace comme matériau ou comme horizon, les artistes nous invitent à nous projeter sensiblement dans le ciel, à nous interroger sur la nécessité et les modalités de l’exploration spatiale. En ce sens, l’exposition constitue une invitation à considérer l’espace non plus comme une frontière à conquérir, mais comme un territoire commun.
> Vernissage de l’exposition vendredi 4 octobre 2024 à partir de 17h
Infos pratiques :
- Dès 6 ans
- Aux jours et horaires d’ouvertures du Cube Garges
- Gratuit
Note d’intention :
Avant même de savoir lire, écrire ou compter, l’attention des humains fut portée sur l’observation des phénomènes célestes : l’alternance invariable du jour et de la nuit, l’influence du cycle de la lune sur les marées, l’embrasement de l’arbre frappé par la foudre. Ce voisinage permanent avec le ciel, à un stade précoce de son évolution favorisa chez Homo Sapiens l’émergence de deux comportements. D’une part, une tendance à observer le ciel pour en déduire des lois générales terrestres. De l’autre, une propension à produire des récits et des mythes, à chercher dans les étoiles des signes et à y situer des divinités pour raccorder les phénomènes qui lui échappent à sa compréhension du monde. Cette oscillation permanente entre objectivation rationnelle et spéculation narrative constitue encore aujourd’hui l’une des dynamiques fondamentales sur laquelle repose notre relation au cosmos. En parallèle de sa réalité scientifique, l’espace demeure un lieu de mythes, de récits et de symboles à travers lesquels l’histoire de l’humanité s’est écrite et continue de s’inventer.
L’exposition Derrière les étoiles s’intéresse spécifiquement au plus récent de ces récits : celui de la conquête spatiale. Profondément ancré dans l’histoire du 20e siècle, la conquête spatiale trouve ses prémices dans les travaux d’ingénieurs passionnés d’aéronautique durant les années 1930. Elle se stabilise par l’absorption de ces plans par l’industrie militaire durant la Seconde Guerre mondiale et la Guerre froide, et atteint son âge d’or dans les années 1960 et 1970. Si son champ lexical a évolué (on parle désormais plus facilement d’exploration que de conquête), que ses acteurs se sont renouvelés (de nouvelles figures de l’astrocapitalisme privé tels que Jeff Bezos et Elon Musk ont émergés) et que les usages potentiels de l’espace se sont étendus (télécommunications, surveillance, publicité), les dynamiques fondamentalement militaristes, spéculatives et expansionnistes de la conquête spatiale demeurent inchangées.
Face au monopole du mythe de la conquête spatiale, et pour ne pas laisser l’hybris de quelques-uns devenir l’horizon de tous, l’art peut être de quelques secours. Ainsi le programme de l’exposition se structure t’il en trois volets. Le premier explicite les liens unissant techniques astronomiques et imaginaires spatiaux. Le second s’articule autour d’œuvres dévoilant les conséquences politiques, économiques et environnementales de la conquête spatiale. Pensé sous la forme d’un espace sensoriel, le troisième volet investit de nouveaux pans du sensible spatial.
Par des moyens variés, chacune de ces œuvres constitue une invitation à renouer avec l’espace un rapport d’ordre critique, personnel et sensible. Ce sont des contrepoints scientifiques ou artistiques à un discours hégémoniques qui voudrait mettre l’espace à son service. Avant tout, ces œuvre constituent des récits et l’ensemble de cette exposition est une invitation à en formuler de nouveaux. À cette fin, des cartels vierges permettant aux visiteur·euses de partager leurs points de vue et leurs histoires sont laissés à disposition près des œuvres.
L’exposition propose aussi un parcours alternatif, mis en récit par l’autrice jeunesse Charlotte Lemaire et intégrant à la fois les dispositifs pédagogiques et la médiation des œuvres. Permettant de rendre intelligibles pour chacun les notions abordées dans l’exposition, ce parcours ludique et facile à comprendre est indiqué par des pictogrammes et des dessins.
Parcours d’exposition
Images et imaginaires spatiaux
Le premier volet de l’exposition porte sur les liens entre images et imaginaires. Plus spécifiquement, à l’influence des techniques d’observation et de productions d’images astronomiques sur nos modes de représentations collectifs. La subordination des imaginaires à la technique est d’autant plus forte que le spatial échappe aux capacités perceptives humaines, est accessible uniquement par le prisme d’outils techniques prévus à cet effet.
L’exposition s’ouvre avec un panneau de l’Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg, dans lequel l’historien analyse l’émergence et l’évolution des symboles visuels du cosmos chez les cultures successives. L’installation Deep Field de Félicie d’Estienne d’Orves porte sur les conditions matérielles et chimiques nous permettant d’appréhender des phénomènes célestes. Les huiles sur bois de la série Studies Into the Past de Laurent Grasso et le dispositif interactif Flugblätter, nommé en référence aux tracts populaires produits massivement au VXe siècle, mettent en exergue les dynamiques à travers lesquelles les humains utilisent les astres pour influencer sa propre destiné.
Les visiteur·euses déambulent dans cette première section de l’exposition sous l’imposante Supraspective, une installation créée par le duo d’artiste Quadrature qui reconstruit en temps réels des images de la terre telle qu’elle pourrait être perçue par 590 satellites-espions gravitant dans son orbite.
Poussières d’étoiles et débris cosmiques
Le second volet de l’exposition s’ouvre sur une photographie extraite du reportage Satellites: Photographs from the Fringes of the Former Soviet Union réalisé par le photographe Jonas Bendiksen dans les anciens états satellites de l’ex-URSS. À l’image des carcasses de fusées rouillant désormais aux environs du cosmodrome de Baïkonour, cette partie de l’exposition s’applique à mettre en lumière les différentes faces cachées de la conquête spatiale. Hacktivistes, documentaires ou caustiques, les travaux des artistes des chercheur·euses présenté·es dans cette section exposent les intérêts, les dynamiques et les conséquences aussi bien spatial que terrestre de cette entreprise. Ainsi, la cabine de prédiction astrologique SCOPE permet aux visiteur·euses d’obtenir un horoscope personnalisé basé sur la position des satellites militaires et commerciaux orbitant autour de la terre le jour de leur naissance. Incapable de quitter le sol, les costumes d’astronautes de Stefan Eichhorn apparaissent comme les mascottes promotionnelles désabusées d’un voyage qui n’aura peut-être jamais lieu. Les documentaires de Breakwater Studios tentent de resituer les contributions scientifiques de Jocelyn Bell et Edward Dwight au sein d’une entreprise astrophysique dont i·elles ont étés invisibilisé·es. Présentée sous la forme d’une watching party des années 70, l’installation vidéo In Event of a Moon Disaster proposé par les artistes Halsey Burdung et Francesca Panetta présent une histoire dans laquelle la Mission Apollo 11 aurait échoué, revenant ainsi sur l’importance des discours et des mots dans la construction des récits collectifs.
Cosmosensible
Le troisième et dernier volet de l’exposition vient prendre à revers un imaginaire collectif saturé d’images et se propose d’emprunter à cette fin de nouvelles voies sensibles. Pensée sous la forme d’un espace sensible, elle présente différentes expériences esthétiques et émotionnelles permettant d’éprouver physiquement la possibilité d’un ailleurs.
Les vitres du hall d’exposition ont été transformées par l’artiste Claire Williams afin qu’il soit possible d’entendre la mélodie des météorites qui pénètrent dans l’atmosphère. Suspendu dans le hall, le carillon électromagnétique de Richard Vijgen produit sa musique au rythme de vents solaires soufflants à plusieurs millions de kilomètres de là. Les toiles énigmatiques de Théo Viardin présentent les corps d’une race humanoïde lointaine et non encore advenue. À côté du biome salin d’Hugo Deverchère, des images de la terre enregistrée à l’aide d’outils astronomiques questionne la distinction binaire entre le terrestre et l’extra-terrestre.
Afin de terminer l’exposition, les visiteur·euses sont invité·es à prendre un temps pour méditer très loin de la terre en assistant à un coucher de soleil enregistré depuis les dunes de la planète Mars.
Artistes et oeuvres
Jonas Bendiksen
Satellites, 2000
Breakwater Studios
The Silent Pulse of the Universe, 2020
Breakwater Studios
The Lost Astronaut, 2020
Halsey Burgund et Francesca Panetta
In event of a moon disaster, 2019
Hugo Deverchère
Cosmorama, 2017
Hugo Deverchère
La isla de las siete Ciudades, 2021
Félicie d’Estienne d’Orves
Deep Field, 2019
Félicie d’Estienne d’Orves
Nékromanteion, 2023
Laurent Grasso
Studies into the Past, 2017
Hyacinthus, Méfyl et Florian Métral
Flugblätter, 2024
Stefan Eichhorn
They Promised Us Flying Cars, But All We’ve Got Are Solar, Powered Parking Meters, 2020
Quadrature
Scope, 2024
Vladimir Skoda
« h » Constante de Planck II, 2004
Théo Viardin
Richard Vijgen
Cosmic Wind Chime, 2023
Aby Warburg
Atlas Mnemosyne, 1921 – 1929
Claire Williams
Meteors – Radio Echos, 2017
Princess Hidir
Illustrations et visuels de l’exposition
Charlotte Lemaire
Mise en récit et illustration de l’exposition pour les jeunes publics